That's the way we like

J'avais repris les cours depuis peu de temps, mais les enseignants ne nous donnaient pas vraiment de temps pour nous habituer. Nous entrions directement dans la matière. C'était direct, mais je crois que c'était une bonne chose. Nous entrions tous dans le vif du sujet, travaillions tous au même rythme pour atteindre le summum de notre art. C'était bien pour cela que nous étions dans cette école après tout. Devenir les meilleurs dans nos domaines. Tout ce que nous faisions ici n'était pas du vent. Ils choisissaient les meilleurs, sans vouloir me vanter, et nous devions prouver que nous avions notre place au sein de la RCA. Nous devions constamment faire nos preuves et avec ce que je voyais, les débuts d'années ne faisaient pas exception à la règle. Mes temps libres étaient assez rares maintenant et disons que mes soirées à l’appartement avec Liam ressemblaient tout le temps à faire des devoirs en duo. Mon copain n'avait jamais réellement été le genre de garçon typiquement studieux, mais depuis qu'il était ici, il s'était réellement pris en main, il voulait montrer au monde qu'il valait quelque chose, qu'il avait du talent et qu'il pouvait faire sa place dans ce monde complexe qu'est la musique. Nous voulions et allions faire notre place, je le sentais.

Je n'avais aucune inquiétude au sujet de Liam. Il avait toujours su faire sa place à des endroits où on n'aurait jamais cru le voir. Je m'inquiétais un peu plus à mon sujet. À mon ancienne académie, j'étais spécialisée en chant, je me trouvais même lus excellente, sans vouloir jouer les fanfaronne. Par contre, à notre concert final de graduation, j'ai eu la brillante idée d'inviter ma mère biologique, que je n'avais pas vu depuis des années pour lui montrer ce que j'étais devenue et le résultat n'a pas été ce que j'espérais. Croyant la rendre fière, elle avait plutôt pensé que j'étais une fille qui prenait ses rêves pour des réalités et m'a hué en plein de chanson et est parti en claquant la porte de notre auditorium. Cela avait été un moment humiliant qui m'avait poussée à me remettre complètement en question. Je savais pertinemment que l'avis de cette femme ne comptait pas du tout, qu'elle n'avait jamais rien fait de bon pour moi, mes parents et Liam me le répétaient beaucoup trop souvent depuis l'évènement. Malheureusement, je ne pouvais m'enlever de la tête que cette femme était tout de ma mère biologique, elle m'avait portée en elle. Je ne pouvais plus me présenter sur une scène pour chanter depuis. Qui étais-je pour aspirer à devenir une chanteuse au même titre que Céline Dion ou Alicia Keys. Une petite bâtarde du fond de Liverpool, une idéaliste qui allait probablement se planter comme une grande majorité de gens qui se lancent dans cette avenue. La majorité finissait comme chanteurs dans les mariages ou bien dans les bars de fond de ville. J'espérais que ce ne soit pas mon cas, mais ma mère avait planté la graine du doute dans ma tête et ça me pourrissait la vie.

J'étais néanmoins inscrite à mes cours et j'y bossais aussi dure que tout le monde pour ne pas avoir perdu mon temps. Je devais me reprendre en main, je n'y étais pas encore arrivée, mais ça allait venir...je l'espérais tellement. C'est pourquoi je me retrouvais seule à une table de la cafétéria de l'établissement, écouteurs sur les oreilles, à bosser sur un devoir de composition. Le visage sur mon cahier de note, j'essayais de réécrire à l'oreille les notes jouées par le piano que j'écoutais. J'aimais ce cours, mais ce devoir me donnait des mots de tête. J'étais installée là depuis près de 2 heures à enchaîner les exercices, devoirs et compositions que je devais faire pour mes multiples cours. J'aurais aussi bien put aller m'installer à la bibliothèque, comme la plupart des étudiants normaux, mais je n'aimais pas y aller...on ne pouvait pas y manger. Il me fallait des remontants assez régulièrement pour que je puisse tenir le rythme que j'avais. J'avais ma tasse de café chaud à mes côtés, amis fidèles de mes heures d'études et j'en pris une gorgée avant de me replonger cœur et âme dans cette tâche ennuyeuse à mourir, crayon à la main et le visage fixée sur mes feuilles lignées.

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That's the way we like

Des notes, des notes et encore des notes de musique. Je n'aurais jamais cru dire ça dans ma vie, mais j'en avais ras le cul. J'adorais la musique, depuis que je vivais les Morgan, je ne vivais que pour ça. C'est elle qui m'a remis sur mes pieds, qui m'a donnée une chance dans la vie, qui m'a fait rencontrer Liam et qui m'avait poussée à devenir la femme que j'étais maintenant. Elle m'avait forgée et m'avait ouvert une porte pour m'exprimer comme jamais je ne l'avais jamais pu avant. La musique m'avait servie de thérapie durant mon adolescence. J'avais rejeté tout le venin que j'avais gardé contre ma mère biologique dans de multiples textes. Écrire des textes qui viennent de mon cœur, de mes tripes et de ma tête me fait du bien de manière quotidienne. Les chanter me fait du bien, me transporte dans une vague d'émotion indescriptible et en écouter m'aide à passer au travers de la journée. J'ai une relationnelle passionnelle avec elle, mais ce jour-là à la cafétéria, j'avais envie de foutre par terre et d'aller me promener au soleil. C'était mon cœur qui le voulait. Par contre, ma tête n'était pas réceptive. Ma pensée logique me disait que c'était important que je fasse ce devoir de reconnaissance. Que c'était emmerdant, nous le savions tous, mais que je devais avoir de bonnes notes. Mon orgueil voulait que je sois la meilleure. Je voulais me prouver que j'avais ma place dans cette institution. Je voulais donner tort à ma mère qui m'avait dit que je ne ferais jamais rien de bien dans la vie musicale. Je ne voulais pas finir chanteuse dans les mariages, je voulais faire les grandes scènes. Je voulais que mon art soit reconnu, respecté et aimé.

C'est bien pour ça que je me retrouvais ce midi-là, mon troisième verre de café à moitié englouti à mes côtés, travaillant sur ces devoirs qui, au final, ne devait pas vraiment changer grand chose dans ma vie mis à part me donner bonne conscience une meilleure confiance pour l'examen que nous allions finir par avoir un jour. J'avais eu un cours ce matin-là et je n'avais rien d'autre de prévu pour la journée pour ce qui est de mes cours. J'étais prête à passer la journée à cette table si je pouvais finir ma liste de devoir assez impressionnante. C'était chiant, certes, mais il y avait un sentiment de devoir accompli quand je pouvais les cocher de sur ma liste dans mon agenda. Je me sentais prête et avec de moins en moins de stress sur les épaules, ce qui était bien pour la santé de mon cœur. Je ne voulais pas mourir d'un AVC après tout. Il ne me manquait qu'une chose pour que tout soit parfait dans ma vie. J'avais Liam que j'aimais comme personne et qui m'aimait autant, j'avais des amis, j'étudiais dans une école prestigieuse où je pouvais améliorer mon art, j'avais un petit boulot où j'étais respectée et j'avais mon petit chez moi avec mon homme. Il ne me manquait que le courage pour embarquer à nouveau sur une scène pour y chanter.

J'y travaillais, Liam y travaillait, mes parents y travaillaient...la planète entière semblait essayer. Le seul obstacle entre moi et ce micro qui m'effrayait tant était moi-même. Ma mère biologique avait foutu en l'air ma confiance en moi et je devais passer par-dessus ses paroles qui m'avaient blessée plus qu'autre chose. Cette femme m'avait longtemps fait peur et j'avais essayé de passer par-dessus cette peur en l'invitant à ce concert. Je voulais lui montrer qui j'étais et je l'avais amèrement regretté. Cependant, quelque chose avait changé autrement que ma peur de monter sur scène qui était née ce soir-là. Je n'avais plus peur d'elle. J'avais plutôt une rage au ventre qui me prenait quand je pensais à Margareth. Je haïssais cette femme, je lui en voulais à mort d'avoir fait ce qu'elle avait fait avec moi, absolument rien en soit. Je la détestais d'exister, de respirer. Elle gaspillait l'air de personnes saines et qui méritait plus qu'elle de marcher sur cette planète. Cette haine grondante était en moi depuis des années et je ne lui avais jamais fait part de mes sentiments. C'était tant mieux pour elle et sa santé, mais ça me rongeait de l'intérieur. Ne pouvant extérioriser cette rage, je faisais mes devoirs comme une damnée.

Ce fut une bonne chose qu'on vienne me sortir de mes pensées, parce que, franchement, je crois que j'aurais défoncé la table tellement j'appuyais fort sur mon crayon. J'ai relevé la tête vers la personne qui venait me distraire de mes doubles croches et je vis un personnage plutôt agréable. J'ai enlevé mes écouteurs de mes oreilles pour regarder Idalgo qui venait me sauver. Il se saisit de la feuille où j'écrivais depuis je ne sais plus combien de temps pour finir par dire tout haut ce que je pensais tout bas. C'était horriblement et indubitablement chiant. C'est la vie, il faut de tout pour faire un monde que mon père me dit souvent. Alors que mon ami mentionnait que j'allais me tuer en faisant mes devoirs, j'ai haussé les épaules et faisant une moue qui disait : « ouais bon je m'en fout. » tout en me saisissant de ma troisième tasse de café de la journée.

« Je pense surtout que c'est le café qui va me faire claquer. »

J'ai pris une nouvelle gorgée en le regardant, un air insolent dans le regard. Je l'ai écouté parler, me reculant un peu pour m'appuyer au dossier de ma chaise tout en m'amusant avec mon crayon. Après une pile de devoir comme la mienne, la moindre petite chose vous amuse, je vous le dis. Je ne pus que hocher la tête en l'écoutant. Il avait raison, c'était le pire dans tout ça. Par contre, j'avais un argument qui allait péter les dents de son site web si pratique et rapide.

« Mouais, t'as raison Id'. T'as pas pensé à un truc par contre, en examen t'as pas ton site web tu sais. Et tu crois que je suis assez folle pour manger ce qui est servie ici. Je me suis apporté mon pique-nique. Je veux pas mourir d'une intoxication alimentaire.  »

J'ai fait un signe de tête vers une boîte à lunch qui trainait à mes pieds, attendant d'être ouverte et dégustée.

« À part tes arguments un peu mou pour me sortir m'entraîner du côté sombre de la force, tu vas bien ? »

Ce n'est pas parce que ses arguments étaient bidons que je ne pouvais pas papoter avec mon ami.

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