L'air frais te fait du bien, ça te fait toujours du bien. T'étais entrain d'étouffer de toute manière dans ta chambre et tu as préféré grimper les marches qui mènent au toit plutôt que de rester, suffoquant, allongé sur ton lit. T'es pas énormément vêtu, juste un jogging et un pull en laine qui te tiennent chaud. Il est tard, plus ou moins vingt-deux-heures à ta montre et tu ne saurais pas expliquer pourquoi, brusquement, tu as eu l'impression d'être étranglé. Un mauvais rêve ? C'était quasiment constant depuis l'accident. Tu as de la peine à trouver le sommeil et lorsqu'il se pointe, tu sens ton coeur se serrer. L'image d'Oliver entrain d'agoniser, le sang qui éclaboussait ton sweat-shirt et les larmes de ta soeur, ça te hante depuis trop longtemps. T'es en proie à des crises d'angoisses parfois mais tu fais toujours bonne mine. En public, tu déballes jamais tes problèmes, tu as horreur de ça. Alors tu gardes le sourire, tu joues le rôle du gentil bonhomme, drôle et léger, alors qu'en fait, t'as l'impression d'porter le poids du monde sur tes épaules. Fatigué, tu es las, presque épuisé. Et c'est dans un état de léthargie complètement que tu évolues aujourd'hui dans l'école. T'aime personne, rien ni personne. Oui, juste ta famille, et puis ta soeur. Tu sais que vos relations sont tendues et t'aimerais pouvoir changer ça, mais t'en es incapable. Tu restes impuissant parce que t'as pas l'coeur à bousculer Aleysia. Tu lui laisses du temps mais ça commence à faire long, finalement. Elle te manque, mais t'ose pas le lui dire parce que t'as peur qu'elle te remballe, t'as peur qu'elle te repousse et que ça marque un arrêt définitif à ce lien qui vous unis.
 
Alors t'as quitté ta chambre, en proie à des interrogations auxquelles personne ne pouvait apporter de réponses. Lorsque t'as ouvert la porte, t'as été giflé par le froid, t'as grimacé mais t'as rien dit. Tu t'es contenté de remonter ton pull contre ton cou. Et te voilà, appuyé contre la rembarde, à observer Londres, de nuit. Cette ville est magnifique, t'y as toujours vécu et tu n'y partirais pour rien au monde. Quoi qu'il t'arrive, tu sais qu'il n'y a rien de mieux que la Tamise pour te rappeler à tes bons souvenirs. Une famille simple et accessible, votre famille, ta famille. Dieu que tu les aime, tous autant qu'ils sont. T'as toujours été généreux et affectueux. Tu n'aimes pas les conflits, tu les évites. T'es comme ça, t'y peux rien. Tranquillement, tremblant presque, tu sors une cigarette de son paquet et tu la portes à tes lèvre. Sale manie qu'il faudrait que tu arrêtes, un jour, mais t'es pas prêt à l'faire, pas maintenant. Tu sors ton briquet et tu l'allumes. Tu inspires une première fois, Dieu que ça te fait du bien. Le tabac emplit tes poumons et ta pression diminue. Comme quoi, il suffit de pas grand chose. Tu fermes les yeux, tu reprends ta respiration et tu esquisses un léger sourire. T'aimerais ramener Oliver, t'aimerais ça plus que tout au monde. Mais t'es pas Dieu mon gars, tout juste un étudiant un peu paumé qui cherche encore sa place, ici-bas. Et t'es seul, complètement seul.